Genève : le Nobel de l’incompétence décerné pour un accord bâclé

1 décembre 2013 3 Par Eli

Jusqu’à quel point la diplomatie américaine bâclée renforcera l’Iran ?

Israël est loin d’être le seul acteur régional à conclure que les négociateurs de Genève méritent le prix de l’Incompétence pour leurs cafouillages, et que les premières conséquences catastrophiques de leur amateurisme goguenard sont en train de se mettre en place avec la précision dévastatrice d’un métronome.

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Après tout ce tintamarre médiatique autour de “l’accord » entre l’Iran et les puissances mondiales, de dimanche, il est devenu évident, mercredi, que l’agrément en question n’est pas du tout finalisé. Non seulement, l’accord intérimaire de six mois n’est pas encore prêt de devenir effectif, mais, si cela ne suffisait pas, l’Iran est parfaitement libre de poursuivre son programme nucléaire à plein régime, jusqu’à ce que les « détails techniques » de l’accord final soient ultérieurement étudiés, comme l’a déclaré la porte-parole du Département d’Etat américain Jen Psaki, l’air vaguement embarrassée.

Psaki s’est exprimée jeudi, quelques heures à peine, après que le Ministre iranien des Affaires étrangères Mohammed Javad Zarif ait annoncé, triomphant, que l’accord intérimaire que son pays a signé avec le G P5+ 1 ne l’oblige pas à stopper la construction de son site de production d’eau lourde, à Arak, qui pourrait être utilisé pour produire le plutonium nécessaire à la fabrication d’une bombe atomique. C’était, pourtant, le point d’achoppement du « refus français » provisoire de la semaine précédente, qui s’est volatilisé la fois suivante… Zarif a déclaré que l’accord impose seulement à l’Iran de suspendre la production d’eau lourde sur ce site. Et comme il n’est pas encore fonctionnel, cela peut attendre…

Divers experts ont aussi affirmé que l’accord publié par la Maison Blanche laisse aux Iraniens la capacité de fabriquer des composants essentiels de leur programme nucléaire, à l’extérieur de l’installation d’Arak et de les y installer dès que le site sera rouvert. C’est ce qui est apparu, un peu plus tard, en pleine lumière, lorsque le Ministère iranien des affaires étrangères a annoncé que l’accord que Washington a publié n’était pas celui qu’il avait signé. Si cela n’était pas aussi tragique, l’amateurisme de ces grands enfants d’Américains et de leurs comparses du P 5+1 pourrait même en être comique.

Dans le premier communiqué, Psaki a tenté d’expliquer qu’il n’y avait aucune date-butoir un tant soit peu claire, disant quand l’Iran devrait commencer à respecter l’accord intérimaire signé. Si c’est vraiment le cas, celui qui en est responsable, au sein de l’équipe de négociation américaine, mérite vraiment le premier prix d’incompétence – ou alors a t-il sciemment cherché à tromper l’opinion publique.
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Hormis le profond mépris qu’éprouve le Premier Ministre Benyamin Netanyahou pour cet accord intérimaire, et sa relation devenue ouvertement problématique avec le Président Barack Obama, du fait de cette crise aiguë, certains pays arabes, en particulier ceux qui appartiennent au camp saoudo-égyptien, constatent que la gestion pitoyable de ces négociations avec l’Iran s’inscrit dans une tendance plus générale. La Maison Blanche, disent-ils, fait preuve du plus total amateurisme et d’une maladresse incorrigible, dès qu’elle tente la moindre ingérence au Moyen-Orient. En 2010, le porte-parole de la Maison Blanche Robert Gibbs déclarait que l’Administration n’avait aucune intention de permettre à l’Iran de poursuivre son enrichissement d’uranium. Mais, en novembre 2013, sous les termes de l’accord intérimaire – qui autorise l’Iran à poursuivre l’enrichissement à 5% – Washington consent à ce qu’il en soit ainsi, à la grande joie du Président iranien Hassan Rouhani, du Guide Suprême Ali Khamenei et de tous les autres dirigeants iraniens.

Il n’y a pas que la question nucléaire qui inquiète différents pays de la région, notamment l’Arabie Saoudite. « Les pays du Golfe persique se préoccupent, maintenant, du fait que les Etats-Unis soutiennent, ouvertement,l’hégémonie iranienne dans la région et qu’il n’y ait rien qu’ils parviennent à faire pour les en empêcher », explique le Professeur Asher Susser, du Département d’Histoire moderne du Moyen-Orient et du Centre Moshe Dayan des Etudes moyen-orientales et africaines de l’Université de Tel Aviv. « Un changement historique important est, maintenant, en train d’atteindre son paroxysme. Le point névralgique du Moyen-Orient s’est déplacé des pays arabes vers le Golfe persique. Et quand les Etats-Unis favorisent l’hégémonie iranienne, cela se répercute sur toutes les autres zones de la région, sur la situation en Syrie, en Irak, au Liban et ailleurs. L’actuelle bataille de Qalamoun, à quelques encablures de la frontière libano-syrienne, démontre à quel point les renforts du Hezbollah et des Gardiens de la Révolution iranienne sont décisifs pour circonvenir les bastions rebelles, qui savent pertinemment qu’aucune armée arabe ou occidentale ne viendra jamais à leur rescousse.

Depuis que la question irakienne n’a jamais été clairement résolue, -ou seulement au profit de l’Iran- l’Arabie Saoudite se sent encerclée par la subversion chi’ite iranienne sur son territoire et à toutes ses frontières. Elle s’attend, avec un profond désarroi, à ce que sa situation générale n’aille qu’en empirant.

De quoi donner des sueurs froides aux monarchies du Golfe et en contraindre certaines, la mort dans l’âme, à prendre le chemin de Damas et de Téhéran.

Le Ministre turc des Affaires étrangères, Ahmet Davutoglu, n’a pas perdu une minute pour se rendre auprès des Ayatollah et envisager favorablement la présence de l’Iran aux négociations sur la Syrie, en janvier 2014. Le Bahrein invite les Iraniens à son sommet de Manama, sur la sécurité régionale.

L’Arabie saoudite aura besoin d’Israël pour repenser sa sécurité, mais il lui sera nécessaire de garder secrets les termes de cette entente objective, pour conserver son statut, aux yeux du monde arabe. Il ne faut donc pas s’attendre à des « révélations » tonitruantes sur ce volet, hormis par les campagnes de déstabilisation opérées par les supplétifs de l’Iran.

Existe t-il des solutions alternatives pour sortir de la quadrature du cercle, dans laquelle ce mauvais accord a plongé toute la région ?

L’une d’elle consisterait à consentir à la participation des principales puissances régionales, soit les premières concernées, à ces prochaines discussions entre le P5+1 et l’Iran, pour qu’elles puissent faire part de leurs objections. Il s’est murmuré, ainsi, qu’Israël, et pourquoi pas, l’Arabie Saoudite pourraient faire entendre leurs voix.

Pour autant que l’on prétende à des « négociations », elles ne pourront réellement avoir lieu que si les principaux impliqués font valoir leurs droits, leurs soupçons ou les craintes pour leur propre sécurité.

Il devrait en aller de même, concernant la situation en Syrie, où l’Iran, qui n’a aucune frontière commune avec ce pays, mais, par contre, dont les troupes sont ouvertement et directement impliquées dans ce bain de sang, est courtisé, afin d’en être partie prenante.

Gesticuler en coulisse, produire des discours de colère ou compter sur un veto temporaire d’un pays comme la France, en minorité face aux « grandes puissances » (Etats-Unis, Chine, Russie) ne sert qu’à obtenir un sursis illusoire. Israël a exigé des sanctions, fait connaître, de l’extérieur, ce que seraient ses lignes rouges. Mais Jérusalem a trop remis son destin, – à travers les conséquences, aujourd’hui, flagrantes, d’un tel accord-, entre les mains d’un Conseil de sécurité formé de puissances éloignées, en comptant sur l’Amérique pour fixer le problème. Les résultats de cette stratégie de rémission ne peuvent avoir, au bout du compte, qu’un goût particulièrement amer.

C’était le sens d’un article de l’ancien chef du Mossad, Ephraïm Halévy, « la chaise vide », suggérant qu’Israël devrait être présent, et pour cela, revendiquer sa place, dans chaque consultation concernant la sécurité régionale, où ses intérêts sont nécessairement en jeu.

Ce sera, bientôt le cas au Conseil des Droits de l’homme de l’ONU, grâce à son intégration dans le bloc des pays occidentaux et autres, là où il est, si souvent, le seul à être vilipendé, sans même pouvoir se défendre, ni faire front avec d’autres alliés (Canada, etc.), moins timorés que d’autres…

D’ores et déjà, Zarif, l’émissaire de Khamenei a fait savoir que l’Iran se retirerait de toute négociation où un représentant de « l’entité occupante » (Israël) serait présent.

A moins que l’on souhaite vraiment que la confrontation ait lieu en grandeur réelle… Mais, en ce cas, il n’est pas utile de prétendre au titre de Conseil de « Sécurité ».

Marc Brzustowski.

Source : AVI ISSACHAROFF 29 Novembre 2013, 9:14 am

Avi Issacharoff, analyste du Moyen-Orient au Times of Israel et pour Walla, portail internet en Israel. …

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