Pourquoi Mahmoud Abbas a besoin de la présence de Tsahal en Judée et en Samarie
2 septembre 2010Pourquoi Mahmoud Abbas a besoin de la présence de Tsahal en Judée et en Samarie
par Hillel Frisch, BESA Center Perspectives Paper No. 113, 1er septembre 2010
Traduction : Objectif-info
Résumé : Mahmoud Abbas n’est pas venu à Washington pour réaliser des progrès substantiels dans le processus de paix. Il souhaite en fait que les négociations donnent l’impression que les choses bougent. Il ne peut pas encore se permettre de renoncer à la présence de l’armée israélienne en Cisjordanie alors que la menace d’une prise de contrôle du Hamas demeure d’actualité. Si tous les grands acteurs impliqués dans ce processus convergent sur ce point, un simulacre de négociation de paix est capital pour rassurer le monde arabe.
A son arrivée à Washington, Abbas et sa délégation seront exclusivement préoccupés par trois questions: la poursuite du gel des constructions dans les implantations, l’assurance que l’aide qui couvre 70 % du budget de l’Autorité palestinienne continuera d’arriver dans ses coffres, et qu’il y aura assez « d’agitation » au cours du processus de paix pour apaiser « la rue arabe. » Un progrès significatif vers la paix n’est tout simplement pas une aspiration des Palestiniens de Cisjordanie, ou excède leurs capacités. Assez curieusement, ces prévisions basses sont acceptées par les pays qui ont affaire à ces Palestiniens, les Etats-Unis, l’Egypte (et c’est beaucoup moins important, les autres états arabes modérés) ainsi naturellement qu’Israël. La mise en scène en fanfare de Washington est calculée pour maquiller le défaut de substance de l’évènement.
Les avancées qu’escomptent Abbas et les Palestiniens de Cisjordanie des négociations de paix sont en deçà de ce qu’ils peuvent obtenir. La véritable cause de leur réticence à réaliser des progrès depuis 2007 est liée au risque que le Hamas constitue pour le groupe dirigeant de Cisjordanie. Bien que le nombre d’arrestations d’habitants de Cisjordanie par des forces israéliennes ait décru de 8.000 en 2006 à 5.000 en 2009, leur volume montre que le Hamas, dans une moindre mesure le Jihad islamique, sont toujours une menace considérable pour Abbas, et que le risque d’une prise de contrôle du Hamas en Judée et en Samarie n’est pas encore conjuré.
Pour traiter cette menace, il faut une bonne coopération sécuritaire entre Abbas et les forces israéliennes, un dispositif où Israël s’occupe de l’infrastructure terroriste du Hamas la nuit, tandis que les forces de sécurité d’Abbas poursuivent le jour les terroristes relâchés par Israël et assurent le démantèlement de l’infrastructure sociale que le Hamas a méticuleusement tissée des années durant.
Abbas utilise essentiellement l’armée israélienne pour se constituer le socle politique et la base policière que les dirigeants arabes considèrent comme essentiels à leur art de gouverner. Il assume également le rôle des chefs arabes traditionnels, contrôlant tous les financements, évitant de tenir des élections (qui ne seront convoquées que si les résultats sont courus d’avance), réduisant le régime des partis à un instrument de l’exécutif, ne tolérant aucune opposition, et s’assurant que sa photo apparaisse quotidiennement en première page dans les médias. C’est ainsi qu’un dirigeant se qualifie pour intégrer le club un peu particulier des chefs arabes.
La coopération sécuritaire peut difficilement s’établir sur cette division des tâches si l’on parvient à un accord de paix, quel qu’il soit. Dans ce cas, la présence israélienne en matière de sécurité en Judée et en Samarie, une donnée de la vie quotidienne de la Cisjordanie depuis l’opération Bouclier de Défense d’avril 2002, devrait cesser. Ce qui laisserait les forces de sécurité d’Abbas seules face au Hamas. C’est pour cela qu’Abbas préfère différer les progrès des négociations de paix jusqu’à ce que le drainage du marécage terroriste soit plus avancé. Les choses vont dans le bon sens mais ce n’est pas encore suffisant pour permettre des progrès du processus de paix qui rendraient les incursions israéliennes de sécurité politiquement impossibles.
Tous les acteurs politiques importants avec qui Abbas doit traiter, les USA, l’Égypte, l’Arabie Saoudite, la Jordanie, et naturellement Israël, s’accordent sur ce point. Chaque avancée d’Al-Qaïda en Somalie, chaque attaque islamiste en Irak, au Yémen, et même dans un pays aussi éloigné que le Maroc, chaque provocation du Hezbollah contre le gouvernement Hariri au Liban, souvent liée à l’Iran, sans parler du terrorisme dans le Sinaï qui ne peut provenir que du Hamas, renforce l’idée qu’une prise de contrôle de ce dernier en Cisjordanie doit être évitée à tout prix. Cela signifie en conséquence qu’il est impossible de faire des progrès effectifs dans les négociations de paix avant que ce risque ne soit écarté.
En même temps, les menaces iranienne et islamiste contre l’alliance « occidentale » exigent, du point de vue de ces acteurs politiques (mais pas d’Israël), de donner une impression de mouvement dans les négociations entre Abbas et Netanyahou. C’est nécessaire pour apaiser « la rue arabe », pour l’empêcher de menacer les gouvernements modérés ou d’alimenter les rangs des radicaux, et pour créer l’environnement politique voulu permettant aux États-Unis et à Israël de s’occuper de la menace nucléaire iranienne bien plus imminente.
Israël ne doit pas se détourner de ses intérêts nationaux au nom de la « rue arabe ». Les états Arabes, y compris le Yémen et même les principales forces politiques d’Irak, combattront jusqu’à la mort pour conserver les privilèges du pouvoir. Il faut souligner comment les états arabes du Golfe s’y sont pris pour traiter avec succès les retombées du terrorisme en Irak. Ils savent maintenir leur emprise sur la rue arabe quelle que soit l’impression d’avancée que les négociations entre Israël et l’Autorité palestinienne sont susceptibles de transmettre. En tout état de cause on ne peut pas duper la rue arabe avec des impressions.
De même, Israël lui aussi ne doit pas vivre dans ses propres illusions. S’il est vrai que le renforcement du système des états arabes est un rempart contre les menaces iranienne et islamiste, Israël doit contester l’idée que ce renforcement présuppose la création d’un état palestinien. Quel que soit le niveau d’expertise qu’Abbas puisse atteindre dans le gouvernement de la Cisjordanie, il sera incapable d’introduire les Gazaouis dans le processus de paix. Si jamais un traité de paix était signé entre Israël et Abbas, nous avons la certitude que le Hamas lancera des Qassamim pour qu’indubitablement le conflit ne paraisse pas avoir pris fin.
Hillel Frisch est professeur associé en Science politique à l’université Bar-Ilan et chercheur associé au Centre d’études stratégiques Begin-Sadate (BESA).