Tony BLAIR « Laissez-moi vous dire pourquoi je suis un fervent défenseur d’Israël »
19 septembre 2010 0 ParTony Blair salue le redémarrage des pourparlers de paix directs dans son discours de Herzliyah
Il existe deux formes de délégitimation. L’une est de type traditionnelle, évidente et attendue si l’on considère les milieux d’où elle provient. Il est facile de faire face à ce premier type qui se présente sous la forme d’une attaque constante de la part de ceux qui remettent ouvertement en question le droit d’Israël à exister. S’il est facile d’y faire face, c’est parce que ses méthodes sont particulièrement limpides. Quand le président de l’Iran dit qu’Israël doit être rayé de la carte, nous savons tous ce qu’il en est. Je ne dis pas ça, bien sûr, pour minimiser la menace. Cette menace reste constante et sérieuse. Je dis juste que si c’était là la seule forme de délégitimation à laquelle nous serions confrontés, elle ne nécessiterait pas de convoquer une conférence d’analyse mais simplement d’engager un processus d’action.
L’autre forme de délégitimation est plus insidieuse, plus difficile à définir, plus difficile à anticiper et plus difficile à contrer. Principalement parce que beaucoup de ceux qui la pratiquent nient férocement qu’ils le font. C’est cette forme qui menace aujourd’hui de se développer et son impact est potentiellement très important, partant notamment du fait qu’elle n’est pas évidente.
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Je définirais cette forme de délégitimation de la façon suivante : il s’agit d’une résistance, parfois consciente mais souvent inconsciente, quelquefois à la limite du refus, à accepter qu’Israël peut avoir un point de vue légitime. Veuillez noter que j’ai parlé d’un refus d’accepter qu’Israël a un point de vue légitime. Je ne parle pas d’un refus d’approuver son point de vue. Les gens sont parfaitement en droit d’être en accord ou en désaccord avec Israël, mais il s’agit plutôt ici d’un manque de volonté à écouter l’autre partie, à admettre qu’Israël a des arguments probants, à embrasser la notion que le sujet est complexe et que cette complexité exige que l’on comprenne le point de vue de l’autre.
Le défi par rapport à cela est que cette forme de délégitimation ne provient pas de personnes malintentionnées mais au contraire bien intentionnées. Ces personnes nieraient vigoureusement une telle caractérisation de leur état d’esprit. Ils évoqueraient immédiatement la souffrance injuste des Palestiniens, les actes injustifiables de l’armée ou du gouvernement israélien et diraient, d’ailleurs avec raison, que le fait de critiquer Israël ne veut pas dire le délégitimer. De telles opinions sont monnaie courante en Occident.
Ces gens vous diront qu’ils sont en faveur d’une solution à deux États et brandiront cela comme la preuve positive qu’ils acceptent pleinement l’existence d’Israël.
Le problème est que, bien que leur thèse soit correcte en théorie, en pratique, ils utilisent l’œil en bandoulière de l’Amiral Nelson lorsqu’il s’agit de pointer la longue-vue de leur jugement sur le cas d’Israël. A proprement parler, le cas d’Israël se trouve totalement en dehors de leur champ de vision.
Ainsi, pour prendre l’exemple de Gaza, ils n’accepteront pas qu’Israël ait le droit de contrôler les navires transportant une livraison vers Gaza, même si rien que cette année plus de 100 roquettes aient été tirées depuis ce territoire sur Israël, sans parler des multiples enquêtes relatives à la flottille, à propos desquelles il y aura naturellement un débat très virulent. Je veux ainsi parler de ce genre de refus d’accepter que, quelque soit la façon dont on voit la chose, aucun gouvernement israélien ne pourrait être indifférent à la possibilité que des armes et des missiles soient importés à Gaza.
Je me retrouve souvent dans un type de discussion spécifique à propos de la Cisjordanie qui se déroule de la manière suivante : Quelqu’un dit : « alors vous soutenez l’occupation. » Je réponds : « Ce n’est pas vrai : je souligne simplement le fait que si un Hamas avec le même état d’esprit qu’actuellement envers Israël venait à prendre le contrôle de la Cisjordanie, Israël aurait légitimement le droit d’être inquiet pour sa sécurité. »
Un certain type d’échange continuel que j’ai avec certains de mes collègues européens, de loin pas tous, consiste à leur présenter l’argument suivant : n’appliquez pas au gouvernement israélien des règles que vous n’appliqueriez même pas en rêve à vos propres pays. Dans chacune de nos nations, si nos voisins directs se mettaient à tirer des roquettes contre nous ou à commettre des actes de terrorisme, notre opinion publique se déchaînerait. Et tout leader politique qui suivrait une ligne préconisant la modération de nos réactions ne survivrait pas longtemps, politiquement parlant. Israël est une démocratie. Ce pays a payé 1000 de ses citoyens en tribut au terrorisme durant l’intifada. En proportion de la population britannique, cela équivaudrait à 10.000. Je me souviens des attentats à la bombe perpétrés par le terrorisme républicain dans les années 70. On ne trouvait pas beaucoup de monde pour soutenir une politique de calme flegmatique.
Ainsi, quand on parle de délégitimation d’Israël, la chose va plus loin que la simple négation explicite de l’État d’Israël. Le problème touche principalement à l’application de ce préjugé qui ne permet pas qu’Israël puisse avoir un point de vue vaillant la peine d’être considéré. Une chose que je répète constamment quand on m’interroge sur Gaza, malgré le fait que je suis en désaccord avec l’ancienne politique à ce propos, c’est d’affirmer à l’adresse des organes médiatiques européens : « Essayez juste de comprendre pourquoi Israël se sent ainsi. En 2005, il s’est retiré de Gaza, c’est-à -dire qu’il a cessé d’occuper ce territoire, emmené 7000 colons avec lui et en retour a reçu des roquettes et des attentats »
Maintenant, je connais tous les contre-arguments sur la nature unilatérale du désengagement, de l’accord de 2005 sur les accès et les mouvements et sur la fermeture des points de passage. Mais cela ne change pas les faits : il existe un autre point de vue et vous ne pouvez pas le qualifier d’illégitime.
Les choses se retrouvent énormément amplifiées par la façon qu’ont les médias de rapporter les événements. Les images télévisées, que ce soit au Liban, à Gaza ou à vrai dire dans n’importe quelle zone de conflit au monde, par exemple en Afghanistan, sont tellement choquantes qu’elles en arrivent à subjuguer le débat sur le comment et le pourquoi du départ du conflit. Parce qu’Israël, de même que les États-Unis ou le Royaume Uni, possède une force supérieure et parce que dans de telles situations l’horrible réalité est que les innocents meurent, ces images provoquent de la colère, de la compassion et un dégoût qui, à un certain degré, est complètement compréhensible mais qui a également pour effet d’occulter les difficiles choix auxquels les nations comme les nôtres sont confrontées lorsqu’elles se retrouvent agressées.
Il résulte de cette combinaison de facteurs une curieuse disjonction de la perception. Je passe beaucoup de temps en Israël et hors de ce pays, dans différents endroits du monde. Pour les gens de l’extérieur, Israël est régulièrement perçu comme arrogant, dominateur et agressif. Les Israéliens ont eux le sentiment que le monde est en train de les isoler de façon injuste et perverse, refusant de voir qu’eux aussi ont droit à ce que leur voix soit entendue. C’est le pourquoi de cette conférence.
Le problème est maintenant de savoir comment répondre à cet état de fait. Il y a premièrement un principe clair et essentiel qui doit être établi : le fait de critiquer ne signifie pas qu’on délégitime. Il y a à vrai dire de nombreuses voix juives et israéliennes qui se trouvent être passionnément en désaccord avec la politique israélienne. Je suis un ami d’Israël et je l’avoue ouvertement. Je suis moi-même critique sur bien des points. Mais la délégitimation est quelque chose de qualitativement différent. Parfois, il peut sembler qu’il s’agit de la même sorte de chose. Ce n’est pas le cas. La critique est légitime. La délégitimation ne l’est pas. Les amis d’Israël devraient être les premiers à faire la distinction.
Cela étant dit, il nous faut pourtant souligner le fait que la délégitimation est à l’œuvre en ce moment-même et qu’il faut être vigilant et vigoureux à l’identifier et à contrer ses manifestations. Il ne faut pas le faire de façon claironnante. Mais la chose devrait être réalisée de façon insistante. Le but n’étant pas de parvenir à ce que les gens approuvent obligatoirement le point de vue d’Israël, mais d’insister pour qu’ils l’écoute et les amener au moins vers une position de compréhension. Dès que vous voyez un cas de provocation, exposez-le. Lorsque vous tombez sur un compte-rendu partial, argumentez le point de vue opposé. Ayez toujours votre mot à dire à ce sujet, et je ne m’adresse pas seulement aux politiciens mais aussi au peuple. Faîtes-le de façon systématique et dans l’unité.
Deuxièmement, Israël se doit d’être toujours un fervent et acharné avocat et acteur de la paix. J’entends par là qu’Israël ne doit pas se contenter d’être pour la paix, il doit la promouvoir et agir pour la réaliser. Les négociations menées par Ehoud Olmert et Tzipi Livni lors du précédent mandat du gouvernement israélien et de l’administration américaine, ont contribué de façon extrêmement importante à montrer au monde que quoique l’on puisse dire, l’on doit convenir que le gouvernement d’Israël était sincèrement en train de tenter d’apporter la paix. Le redémarrage des négociations directes, qui doivent être lancées la semaine prochaine est en soit important. Important parce que, en indiquant un cadre de réalisation d’une année, il démontre qu’il existe une sincère aspiration de la part du peuple d’Israël à vivre dans une paix durable et honorable avec leurs voisins palestiniens. Je sais que certains sont cyniques. Je sais que certains disent que tout cela est pour la galerie. Je rejette cette vision des choses. Je pense que si Israël peut recevoir des garanties réelles et effectives sur sa sécurité, il sera désireux et prêt à inclure dans la négociation la création d’un État palestinien viable et indépendant. C’est une courageuse décision de la part du Premier Ministre et c’est la bonne.
Troisièmement, il s’agit de dire qu’il n’y aura pas de réussite des négociations si toutes les questions concernant le statut final ne sont pas sur la table. Je ne suis pas en train de négocier des solutions ici et maintenant. Tout cela est pour plus tard. Nous pouvons réfléchir de façon créative et constructive. Et en fait nous le devons. Mais les propositions qui viendront sur ces questions en rapport au statut final seront une épreuve de vérité quant à la sincérité des uns et des autres.
Ceci m’amène à un quatrième point. Une réponse cruciale à donner à la délégitimation consiste à traiter correctement les critiques légitimes. Laissez-moi répondre à ce point en vous parlant de mon expérience. Le fait est que nous avons le pouvoir et le devoir de réaliser mieux et plus vite une amélioration de la vie quotidienne des Palestiniens. Il y a eu dans ce domaine de réels progrès l’année passée. Nous devons poursuivre cet effort. Je suis personnellement persuadé des bienfaits de l’approche « de bas-en haut. » Je continue à croire qu’aucune négociation de « haut-en bas » ne peut réussir sans cette première. Je pense également que des preuves empiriques existent qui soutiennent cette thèse : les améliorations à Jenine et l’ouverture du point de passage de Jalameh aux Arabes israéliens, les changements vers A&M en réponse aux capacités considérablement augmentées des forces de sécurité de l’Autorité Palestinienne, la grande réussite du PIC à Bethléem, qui a engrangé des dizaines de millions de dollars d’investissements, le modus operandi avec le nouveau département sous la gouvernance du Vice Premier Ministre Shalom qui a permis des bénéfices significatifs, et j’espère à terme de nouvelles perspectives pour le tourisme et le développement pour les Palestiniens de la zone C.
De tels changements ne conduisent pas seulement à des améliorations de la vie des Palestiniens, ils s’attaquent aussi à ce qui est le plus puissant moteur de haine (particulièrement dans les médias arabes) contre Israël. Je veux parler de la conception selon laquelle les Palestiniens ne souffrent pas seulement de l’injustice mais également d’une forme d’humiliation. La dignité est un concept très important. La dignité va de pair avec la sécurité et Israël devrait constamment chercher des moyens de compenser l’indignité qui résulte inévitablement des mesures de sécurité qui sont prises et devrait chercher à éviter toute indignité inutile.
J’ai été satisfait et réconforté quand le gouvernement a changé sa politique à Gaza. La vérité est que vous pouvez justifier des restrictions sur Gaza qui sont prises pour des raisons de sécurité. Mais avec une population gazaouie qui compte une moitié de jeunes de moins de 18 ans et 300.000 personnes de moins de quatre ans, la sécurité est la seule base légitime d’imposition de telles restrictions. Bien sûr que Gilad Shalit devrait être libéré immédiatement. Sa détention est un profond déni des droits humains, de même que la façon dont il est traité. Mais une politique basée sur les menaces à la sécurité d’Israël est la seul que ses amis peuvent défendre.
Ceci me conduit à mon dernier point. Il est de notre devoir collectif, le mien et le vôtre, d’argumenter vigoureusement contre la délégitimation d’Israël. Il est également de notre devoir collectif de nous armer d’arguments et de données que nous pouvons défendre et avec lesquels nous pouvons répondre avec fierté et confiance aux plaidoyers contre Israël.
Laissez-moi vous dire pourquoi je suis un fervent défenseur d’Israël. Israël est une démocratie. Son parlement est particulièrement vivant. Sa sphère politique est, dirons-nous, pas notablement restreinte. Sa presse est libre. Ses citoyens ont des droits et ses droits sont appliqués. J’ai eu une fois une discussion sur Israël avec un ami. Je lui ai dit : « D’accord, imaginons que vous avez été condamné à 20 ans de prison pour un crime que vous n’avez pas commis. Et vous êtes un opposant au gouvernement. Dites-moi : par le système légal de quel pays, dans cette région, voudriez-vous être jugé ? » Mon ami a tenté un moment d’argumenter mais a fini par dire : « Là n’est pas la question. » J’ai répliqué que « oui, en fait, c’est là toute la question. »
Faisons un tour du monde pour voir ce que nous admirons concernant le peuple juif : sa contribution aux arts, à la culture, à la littérature, à la musique, au commerce et à la philanthropie. Il y a là un esprit qui est identifiable, ouvert et plutôt remarquable. Quelque soit la bigoterie qui puisse exister, cet esprit en est l’opposé. C’est un esprit de liberté. Sur mes vacances, j’ai lu la nouvelle biographie d’Einstein. Bien qu’il n’ait, dans son jeune âge, pas porté beaucoup d’intérêt à la question, il est devenu par la suite un ardent supporter d’Israël. Mais il faut considérer l’aspect d’Israël qu’il soutenait : un aspect qui était celui d’Einstein lui-même, celui d’un esprit libre, voire même rebelle, mais un esprit suprêmement bien en phase avec l’avenir.
C’est cet esprit que le peuple d’Israël, comme moi, soutenons. Alors préservez-le, conservez-le. Je suis moi-même une personne religieuse. Mais la société dans laquelle je veux vivre, est une société qui ne me traite pas mieux que les autres parce que je suis religieux, qui fait de mon opinion une parmi d’autres, et qui continue dans la voie de la science, de la technologie, du progrès, avec vigueur et sans préjugés. La meilleure réponse à la délégitimation d’Israël tient au caractère même d’Israël et dans l’ouverture, l’intégrité et la créativité du peuple israélien. C’est ce caractère et ces gens qui ont bâti l’État d’Israël. Ils restent ses gardiens. Ils sont la raison pour laquelle, délégitimer Israël n’est pas seulement un affront aux Israéliens mais à tous ceux qui partagent les valeurs de la liberté de l’esprit humain.
 (Traduction: Ambassade d’Israël à Berne)
Source: Office of the Representative of the Quartet Tony Blair
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